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Santé mentale

Un poste créé pour faire face au mal-être agricole

Lors de sa dernière session, la Chambre d’agriculture du Jura a présenté le nouveau poste de « conseiller accompagnement humain », confié à Samuel Aubert, recruté en mars dernier. Sa mission est de mieux repérer, coordonner et accompagner les agriculteurs en situation de mal-être.

Un poste créé pour faire face au mal-être agricole
Jean-Baptiste Viret et samuel Aubert ont présenté le nouveau poste de « conseiller accompagnement humain »

« Malheureusement, nous avons connu ces dernières années dans le Jura une vague de suicides d’agriculteurs », rappelle Jean-Baptiste Viret, vice-président de la Chambre. « À la suite de ces drames, François Lavrut, alors président, a initié en 2024 la création de ce poste. Nous avons été des précurseurs car peu après, le gouvernement annonçait que la santé mentale serait grande cause nationale en 2025. »

Le poste est aujourd’hui cofinancé par la Chambre d’agriculture, les services de l’État (DDETSPP), le Conseil départemental et la MSA.

Signalement, coordination et accompagnement

Le dispositif repose sur un système de signalement via les différentes organisations professionnelles agricoles (OPA) du département. « Je prends d’abord un premier contact téléphonique pour me présenter, vérifier si la personne est déjà accompagnée et identifier ses besoins », explique Samuel Aubert. Selon la situation, il peut orienter l’agriculteur vers les organismes compétents ou organiser des tables rondes réunissant plusieurs acteurs. « Le mal-être entraîne des difficultés financières, et inversement. Il y a souvent un effet boule de neige », résume le conseiller.

Deux types de suivis sont possibles :

- La coordination, lorsque plusieurs structures sont déjà impliquées ou que les difficultés dépassent le cadre individuel.

- L’accompagnement, lorsque l’agriculteur peut agir seul pour résoudre les problématiques rencontrées. Cet accompagnement humain est formalisé par un contrat d’engagement entre la Chambre et l’agriculteur qui définit un objectif principal et un plan d’action, sur une durée maximale d’un an. Les échanges se font en présentiel et dans un cadre strictement confidentiel, condition essentielle pour instaurer la confiance.

65 signalements depuis mars

Depuis sa prise de fonction, Samuel Aubert a enregistré 65 signalements. Trente ont été orientés vers la coordination (dont dix vers des tables rondes réunissant plusieurs OPA) et dix vers l’accompagnement individuel. Treize n’ont pas donné lieu à un suivi, soit parce que les personnes étaient déjà accompagnées, soit parce qu’aucun besoin n’a été exprimé, et les 12 restants sont en cours de traitement.

Sur l’ensemble des situations suivies, 30 % présentent une inquiétude liée à des pensées suicidaires. Un cas a notamment pu être évité grâce au travail conjoint mené avec les services sociaux de la MSA.

Les agriculteurs concernés ont en moyenne 47 ans. Neuf sont en âge de partir à la retraite. Douze autres, âgés de 25 à 35 ans, rencontrent des difficultés lourdes dès le début de leur parcours, souvent liées à un prix d’achat de la ferme trop élevé par rapport à l’état de l’outil de production, ou à des événements personnels imprévus.

Environ 60 % des situations concernent des éleveurs laitiers, dont 45 % en filière Comté. « Les profils ne sont pas marginalisés. Beaucoup travaillent en coopérative et sont intégrés aux réseaux existants », souligne Samuel Aubert. Les difficultés sont toutefois accentuées par le contexte : qualité des fourrages insuffisante en 2024, quatre années de gel en viticulture, tensions liées à la commercialisation directe ou conflits de voisinage.

« Les besoins sont là et ils sont criants », conclut Jean-Baptiste Viret. « Les agriculteurs traversent une accumulation de crises climatiques, économiques et sanitaires. La Chambre doit pouvoir répondre à toutes les demandes, ce qui passe par la pérennisation de ce poste. »

S.C.