Vigilance à tous les niveaux
Nous avons interrogé Thibaut Mairesse, vétérinaire à Dole et à Chaussin, et également membre du conseil d’administration et du comité scientifique du Groupement technique des vétérinaires de Bourgogne Franche-Comté, sur les mesures de préventions à mettre en place dans les élevages contre la DNC.

Jura agricole et rural : Tout d’abord, comment est le moral des éleveurs que vous avez pu rencontrer ces derniers jours ?
Je les sens soucieux. Ils ne sont pas directement concernés par la zone impactée mais la grande proximité géographique est source d’inquiétude. En visite, nous parlons presque plus de la DNC que de la bête pour laquelle on s’est déplacé. La solidarité est manifeste avec les éleveurs touchés. Il me semble que les CUMA et le GDS du Jura ont recensé le matériel de contention disponible pour aider les départements voisins.
JAR : Quelles mesures de biosécurité peut-on mettre en place dans les élevages ?
Nous partageons les mêmes recommandations que le GDS, en accord avec la DDETSPP (*).
Attention aux intervenants externes qui peuvent véhiculer un agent pathogène.
Les véhicules doivent être garés à l’écart dans la cour, pas dans le bâtiment, et gardés fermés pour éviter de faire circuler des mouches.
Il faut être vigilant à la propreté des intervenants, mettre en place un système de pédiluve. Assez peu d’élevage l’ont mis en place pour l’instant. Une personne qui arrive avec des bottes crottées, des vêtements souillés, ce n’est pas acceptable. Il est bien de prévoir une alternative ou d’interdire l’accès à la ferme.
Il faut être vigilant au matériel prêté ou en Cuma, par exemple les bétaillères et les cages de contention, car la bave et les sécrétions peuvent être contaminants. Une vache peut lécher des barreaux sur lesquels une autre s’est frottée.
A retenir, une intervention en 3 étapes pour ces matériels :
- nettoyage et rinçage
- désinfection
- désinsectisation
En respectant les concentrations et les temps de pose des produits.
Dans le cadre de soins aux animaux, veiller à l’utilisation de matériel à usage unique (aiguilles).
Nous incitons aussi à éliminer les gîtes larvaires autour des bâtiments. Nous avons relayé la communication du GDS à ce sujet aux éleveurs que nous suivons, ainsi qu’aux propriétaires de chevaux.
Nous insistons aussi, en tant que vétérinaire, sur la surveillance quotidienne par les éleveurs et la déclaration au moindre doute.
JAR : Que faire en cas de doute sur un animal malade ?
Il vaut mieux appeler son vétérinaire et la DDETSPP quitte à s’inquiéter pour rien, que laisser la maladie prendre de l’ampleur. Ainsi le vétérinaire pourra intervenir plus rapidement pour limiter les risques.
On recommandera alors d’isoler l’animal malade mais pas de le déplacer, pour garder une unité épidémiologique. Il est possible de protéger la bête malade, ainsi que les autres, avec des répulsifs pour limiter les transmissions par vecteur.
Nous recommandons aux éleveurs de bien connaître les signes cliniques de la DNC pour ne pas entrer dans une psychose inutile. Pour mémoire les premiers symptômes sont : fièvre pouvant atteindre 41°C, abattement, anorexie, chute de lactation soudaine. Et de manière parfois plus difficile à détecter : hypertrophie des ganglions lymphatiques et nodules sur la peau.
JAR : Quelle est le mot d’ordre concernant les mouvements d’animaux ?
Nous envoyons un message simple : éviter au maximum les déplacements quand le motif n’est pas urgent. S’en tenir au strict nécessaire, comme une vache que l’on doit préparer au vêlage par exemple.
Le risque de déplacer des animaux porteurs ou des vecteurs porteurs est ainsi limité.
Le déplacement d’une parcelle à l’autre pour du pâturage tournant n’est pas un problème lorsque les parcelles sont contiguës. En revanche, déplacer un lot de vaches situé à 20 km pour le ramener dans une parcelle à proximité du bâtiment présente un risque.
JAR : Et pour les introductions ?
J’insiste sur la nécessité d’être vigilant sur les introductions d’animaux et sur le département ou la région d’origine. Si l’on n’a vraiment pas d’autre choix que d’acheter, il est préférable que l’éleveur aille chercher lui-même l’animal avec une bétaillère dont il est sûr : elle aura été désinfectée et désinsectisée au départ. Je recommande ensuite de désinsectiser l’animal et de l’isoler si possible 3 semaines à 1 mois. Ce qui est compliqué à mettre en place pour une laitière prête à vêler. A l’éleveur de peser le pour et le contre.
JAR : Comment utiliser les répulsifs ?
L’utilisation de répulsifs, en respectant les dosages, est utile, tout en sachant qu’un lendemain d’orage le produit aura été lavé. L’efficacité n’est pas la même pour tous les types d’insectes. Sur les stomoxes, ils semblent moins efficaces. Le message à passer est le suivant : ce n’est pas parce que vous traitez que vous serez tranquille. Les répulsifs sont un outil de plus, pas parfait, mais qui peut être important notamment lors de déplacement d’animaux.
JAR : Est-ce que vous vous êtes préparé à la survenue de la maladie ?
Nous sommes préparés d’un point de vue sanitaire à devoir agir rapidement. C’était l’objet des réunions de la semaine dernière entre le GDS, la DDETSPP, la MSA, la chambre d’agriculture et le GTV que je représentais. Notre objectif est d’anticiper en cas d’apparition de la maladie : savoir quel organisme intervient, à quel moment, par quel moyen communiquer pour être efficace, qui gère les prélèvements, etc.
JAR : Avez-vous eu des échos de la vaccination ?
Non pas directement. On se prépare à devoir la gérer, si l’Etat le décide.
IR
(*) DDETSPP : Direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations