Acte 2 de la mobilisation /
24 heures contre les GMS

Aux portes de Dole, les agriculteurs font savoir leur mécontentement contre les GMS en bloquant des plateformes d’approvisionnement à Rochefort-sur-Nenon et Tavaux. La mobilisation a commencé le 30 au soir, et s’est poursuivie jusqu’au lendemain, avec près de 350 agriculteurs se relayant sur les deux sites.

24 heures contre les GMS

Mardi, 20h30, tracteurs et bennes prennent placent à l’entrée des plateformes des centrales d’achat d’Intermarché à Rochefort-sur-Nenon et Colruyt à Tavaux. Rejoints très vite par plus de 80 agriculteurs sur chacun des sites. L’appel de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs du Jura à poursuivre la mobilisation syndicale a été entendu.

Romain, Matthieu, Yannick et Loïc sont venus de Salins-les-Bains. Une heure en tracteur à travers la forêt de Chaux. Déjà mobilisés sur la manifestation à Lons-le-Saunier vendredi, les 4 jeunes agriculteurs n’ont pas hésité à rejoindre le blocus sur Dole. La nuit sera longue. Nous les retrouvons le lendemain matin, un café pour se réchauffer dans les mains, un peu fatigués mais aussi déterminés que la veille. « Si nous sommes ici, c’est pour les mêmes raisons que tout le monde. À cause des charges administratives et des contraintes qu’on nous impose : les haies, l’environnement, le retard de versement des aides… », expliquent-ils, tout en vrac. Romain se fait plus précis. « Je suis en bio, l’an dernier nous avons vendu notre blé 450 euros, cette année 220 euros, avec comme motif que les marchés sont engorgés dû à ce qu’on fait venir d’Ukraine… Malgré le comté on ne se sert que 900 à 1 000 euros de salaire. Comparé aux heures de travail que cela représente… » Il est lucide. « Tout ne vient pas du contexte des marchés. Il a fallu aussi refaire un bâtiment et se mettre aux normes ». Thomas lui est encore étudiant et veut s’installer. « C’est une fierté d’être agriculteur. Je suis attaché à mes racines. Mais c’est une pression aussi, réussir pour la famille. L’outil de travail coûte, et il faut emprunter. Au fond, le tracteur n’est pas notre propriété, il appartient aux banques… ».

« Quand le contexte économique n’est pas là, un ras-le-bol avec trop d’heures de boulot, plus le contexte social, on s’enferme dans une bulle et cela peut pousser certains au suicide… », rappelle Romain. Ce qui les tient eux ? « C’est le futur de nos petiots, qui sont déjà passionnés ! »

« Les voitures chinoises importées se mettent bien à nos normes ! »

Durant la matinée des renforts sont arrivés à Rochefort et à Tavaux. Ils viennent de tout le Jura, d’Orgelet, Clairvaux, Champagnole, Lons…

Malgré des premiers acquis sur la défiscalisation du GNR et la simplification administrative obtenus en fin de semaine dernière, des motifs du maintien de la mobilisation restent de rigueur.

Guillaume, agriculteur à Lavigny, en est convaincu. « Mon père manifestait déjà il y a 30 ans pour la défense des prix… On ne peut pas imposer aux agriculteurs de produire de la qualité, imposer des règles strictes et en même temps ne pas les appliquer aux produits agricoles que l’on importe, y compris à l’intérieur de l’Union européenne. Les voitures chinoises importées se mettent bien à nos normes ! ». L’éleveur en comté bio est solidaire des autres productions.  « En comté, nous sommes encore un peu maîtres de notre produit. Il faut que tout le monde vive bien, du début et à la fin de la chaîne, et que le consommateur ne paie pas trop cher. Le problème vient des GMS, il faudrait que la loi Egalim 2 s’applique et que les prix des produits de base soient réglementés… ». Concernant la charge administrative, l’agriculteur s’inquiète. « On est dans une aberration, une surtransposition de normes en France. Je demande à travailler sereinement avec les agents de l’environnement. Pas dans le flicage et la répression mais dans la prévention et l’anticipation. »

Trop d’administratif…

Pour Vincent Rouget, organisateur du rassemblement à Rochefort et président cantonal FDSEA Vallée du Doubs, la mobilisation a rassemblé au-delà des adhérents syndiqués. « Pour beaucoup, ce qui pèse c’est tout le système de normes et l’administratif. Passer 40 % de son temps là-dessus, on n’a pas signé pour ça ! » Le président cantonal avait donné la veille trois consignes : « la sécurité, le respect des hommes et des biens et un blocage dans la bonne humeur ». Ce fut chose faite. Après presque 24 heures de blocus, la manifestation s’est dispersée dans le calme.

Parallèlement à l’action jurassienne, d’autres actions se sont déroulées partout en France pour obtenir des avancées sur les normes, les charges, les contraintes en tout genre qui pèsent sur les agriculteurs. « Un acte 3 de la mobilisation n’est pas exclu la semaine prochaine », a annoncé Christophe Buchet, président de la FDSEA du Jura.

IR

« Nous devons mettre la pression sur la distribution »

Christophe Buchet, président de la FDSEA et Philippe Cornu, président des JA 39, rappellent les raisons de l'action coup de poing contre les centrales d’achat. « Notre objectif à travers cette action est que nos produits soient valorisés à leur juste valeur et que l’esprit de la loi Egalim s’applique enfin, avec d’une part la prise en compte de nos réels coûts de production dans le prix de nos produits, et d’autre part un partage équitable de la valeur entre les maillons de la filière. Les négociations commerciales dans les GMS sont en train de se terminer et nous devons mettre la pression sur la distribution pour qu’elle baisse ses marges au profit des producteurs. D’autres actions de ce type sur un laps de temps plus long pourraient avoir lieu dans les semaines à venir si des avancées concrètes sur le revenu ne voient pas le jour dans la semaine. »