Culture d'hiver
Le climat, principal facteur de rendement

Les premiers bilans provisoires de récoltes confirment les inquiétudes des agriculteurs : les excédents pluviométriques et le déficit d’ensoleillement ont fortement entamé les potentiels de rendements. Difficile, dans ces conditions, de rentabiliser les itinéraires techniques…

Le climat, principal facteur de rendement
Emeric Courbet pilote de nombreux essais sur le terrain.

« Les témoins ‘’zéro azote’’ de 2020 ont fait plus de rendement que la moyenne des blés de cette année… » expose Emeric Courbet, technicien grandes cultures à la Chambre d’agriculture de Haute-Saône. S’appuyant sur les résultats de son enquête auprès de 50 exploitations du département, qu’il sollicite chaque année pour connaître les rendements par culture, il a établi des moyennes historiquement basses. « Cette année très humide est la plus mauvaise derrière 2003 et 2016 pour le blé et l’orge. » résume-t-il lors de la réunion consacrée aux bilans de la campagne 2023-2024 des cultures d’hiver, qui se tenait à Vesoul le 31 juillet dernier.

Excès d’eau et déficit de rayonnement

Cette campagne vient rappeler un fondamental de l’agronomie. « Le facteur numéro 1 qui conditionne un rendement est le climat ! Si la météo ne va pas, tous les intrants investis dans les cultures n’ont aucune efficacité ! », explicite Emeric Courbet. La principale cause de cette moisson décevante est l’excès d’eau. Il a beaucoup plu en mai et juin pendant la floraison et le remplissage du grain – respectivement 140 mm et 120 mm pour la station de Chargey-les-Gray – suivi d’’un rayonnement a été déficitaire. « Le second facteur qui conditionne le potentiel lorsque le facteur numéro 1 ne va pas, c’est le sol. En cas de mauvais drainage, de sol fermé, d’une mauvaise porosité… les rendements sont mauvais, ainsi que les PS. Une des exploitations enquêtées déplore une moyenne à 37 qx/ha avec des blés semés dans des parcelles non-drainées. Dans notre parcelle d’essai variétés, le peuplement épi a diminué de 30% par rapport à 2023. Dans cette même parcelle, les rendements en sol superficiel sont en moyenne supérieurs de 5 qx par rapport au sol profond. » L’enherbement en ray-grass a aussi provoqué des grosses baisses de rendements, jusqu’à 20 qx, « ce qui représente 30% du potentiel cette année… »

Avec 57 qx/ha pour les blés – estimation provisoire - la moyenne départementale 2024 est inférieure de 18 qx/ha par rapport à 2020 et inférieure de 7 qx/ha par rapport à 2023. Les PS sont très médiocres. Une majorité des blés meuniers sont déclassés dans la catégorie ‘’fourragers’’. Dans ces conditions, la rentabilité n’est pas au rendez-vous.

Peu de fusariose

Compte-tenu de la forte pression des maladies fongiques en fin de cycle, les variétés peu sensibles aux maladies foliaires s’en sortent mieux. « Ce sont les variétés sensibles à la rouille brune qui sont le plus impactées. Les fongicides appliqués ont été mieux valorisés sur des variétés peu sensibles. Sur variétés très sensibles à la septoriose, la maladie est hors de contrôle. Les 70 euros d’investissement dans les traitements fongicides que nous avons préconisés se sont avérés largement suffisants, à condition de bien les choisir et bien les positionner. » Côté ‘’bonnes nouvelles’’, le piétin verse n’a pas été nuisible et la fusariose des épis a été quasiment absente par rapport à ce que prédisaient les modèles de risque. « Sans explication à ce jour ! »

Tableau calamiteux pour les orges

Pour les orges, le tableau est sensiblement le même : piètres rendements et calibrages médiocres compromettent les marges. « La moyenne 2024 fait partie des quatre plus mauvaises années depuis 2000 », relève Emeric Courbet. Comme en blé, excès d’eau en fin de cycle pendant les phases de floraison et de remplissage du grain ont dégradé les potentiels de rendement. « La nuisibilité maladie a pu être élevée cette année. Le feuillage a grillé précocement à cause de la ramulariose. Les fongicides efficaces manquent pour l’instant. Les herbicides racinaires de l’automne ont également pu impacter le potentiel, avec de la phytotoxicité dûe à l’excès d’eau. Des attaques de jaunisse nanisante significatives ont provoqué de grosses pertes de rendement. »

Là encore, la rentabilité de cette culture ne sera pas au rendez-vous pour la majorité des agriculteurs. « Avec une hypothèse de prix de vente de 200 euros/T pour l’orge brassicole, l’EBE n’est positif qu’au-dessus d’un rendement de 60 qx/ha. Le prix de vente varie en fonction du calibrage. Avec un calibrage de 70, le prix sera d’environ 182 euros/tonne, (brasserie 200 euros + mouture 140 euros). » Le tableau des marges brutes et EBE orges en 2024 est parlant : « impossible de gagner de l’argent avec les orges fourragères cette année ! »

AC