APICULTURE
La miellerie des Pangalanes, le nectar de Madagascar

Dans le Sud-Est de Madagascar, la coopérative apicole KTTF tisse des liens particuliers avec Afdi Haute-Savoie, association de solidarité et de développement international dans le domaine de l’agriculture. Des échanges réguliers ont lieu en France et sur la Grande Île pour permettre à la miellerie de Manakara de se structurer, valoriser et exporter sa production.
La miellerie des Pangalanes, le nectar de Madagascar

C'est un lien fort qui unit l'Afdi à KTTF. Tellement fort que les apiculteurs de la Kaoperativan'ny tsara Tantely Fitovinany, autrement dit la coopérative du bon miel de la région de Vatovavy Fitovinany, ont souhaité fêter leur 10e anniversaire avec les membres de l'association, les représentants de la commune haute-savoyarde de Sciez et ceux du Crédit agricole, partenaires historiques impliqués dans le développement de l'apiculture à Madagascar.
« Les habitants de la commune de Sciez apportent leur contribution à la coopération décentralisée à hauteur de 3 euros par an par personne, soit 20 000 euros par an. L'association Leman horizon Madagascar nous aide à développer des projets, notamment dans le domaine de l'agriculture. Elle était là lors de la pose de la première pierre de la miellerie des Pangalanes à Manakara », explique Jean-Luc Bidal, maire de Sciez.

 

Dix ans de développement


Ce mercredi 27 novembre 2019 est un jour important pour la coopérative malgache. Des responsables politiques de la région sont présents. « Le modèle coopératif est très important pour développer les filières agricoles. Je le répète sans cesse aux apiculteurs. Ils ne peuvent pas développer seuls leur production. La réussite de KTTF en est la preuve », s'exprime Randianarison Prosper, directeur du développement régional social et économique de Vatovavy Fitovinany.
La coopérative apicole, composée au départ d'une poignée d'apiculteurs, a aujourd'hui les reins suffisamment solides pour exporter son miel certifié bio en France, commercialisé sous la marque « Ethiquable ». Après plusieurs années d'efforts intenses et de procédures complexes, KTTF et Afdi Haute-Savoie ont mis en place un cahier des charges strict. En 2011, l'Union européenne a mis fin au long embargo sur le miel malgache pendant lequel plus aucun pot n'a pu être exporté légalement de Madagascar à cause d'un manque d'hygiène et d'un taux d'humidité trop élevé.

« Cela n'a pas été simple mais nous avons réussi à le lever en travaillant avec la direction des services sanitaires, en organisant la traçabilité de la filière. Une fois par an, trois échantillons de miel sont envoyés dans un laboratoire à Paris pour vérifier qu'ils soient bien indemnes de produits de synthèse interdits en Europe », précise la préfète de Région. Lorsque la miellerie des Pangalanes sort de terre l'année suivante, c'est une victoire pour les apiculteurs malgaches. Aujourd'hui, KTT produit quatre types de miel en fonction des floraisons des arbres : le miel de litchi en septembre, le miel de niaouli de la famille des eucalyptus en février, le miel de mokarana en octobre et un miel polyfloral en avril et décembre.

« En 2016 nous produisions plus de 29 tonnes de miel par an. L'année suivante, la sécheresse qui a duré huit mois et l'arrivée du varroa ont fait baisser notre production à 4,2 tonnes. Pour nous relancer, l'Afdi et les agriculteurs de Haute-Savoie nous ont fait cadeau de 80 ruches. Nous remontons lentement la pente. En 2021, on pense avoir 1 500 ruches pour une production de 25 tonnes par an. Nous en avons actuellement 556 et récoltons 14 tonnes par an », explique Danny Gilbert Tsaramila, président de KTTF.

 

Des stages formateurs en Haute-Savoie


Grâce à l'aide de Damien Blampey, apiculteur à Faverges en Haute-Savoie, David Raphaël, l'un des 28 apiculteurs adhérant à KTTF a pu perfectionner sa technique. « L'été dernier, j'ai fait une immersion de deux mois chez lui. Damien m'a donné beaucoup de conseils sur l'élevage des reines car ici à Madagascar nous avons encore du mal à réaliser des fécondations », explique
l'apiculteur malgache. « Je me rends plusieurs fois par an dans la région pour accompagner les apiculteurs et je souhaite en accueillir d'autres chez moi pour que tout le monde soit bien outillé. Je leur explique qu'il faut être éleveur de reines avant d'être producteur de miel et qu'il n'y a pas besoin d'avoir beaucoup de ruches pour réussir. L'élevage de reines, on peut en faire tout au long de la saison, c'est très valorisant », souligne Damien Blampey. Cette pratique n'est pas encore démocratisée au sein de KTTF, question d'habitude et de savoir-faire. « La réussite passe par une population excédentaire d'abeilles. Ce n'est pas très compliqué, ils ont le matériel pour le faire. Il faut juste qu'ils apprennent à diviser correctement les colonies. Je comprends que se séparer de leurs abeilles leur fasse peur mais si cela est bien fait, il n'y a pas de crainte à avoir », ajoute l'apiculteur français.

David, lui, a diminué sa production de riz pour se consacrer au miel mais l'arrivée depuis quelques années du varroa à Madagascar l'inquiète. « La direction des services vétérinaires a constaté que l'acarien était présent sur notre territoire depuis 2009. Le problème, c'est qu'elle estime que pour l'éradiquer il faut brûler les ruches. La fédération des apiculteurs malgaches n'est pas d'accord. La menace de perdre ses abeilles est trop forte », précise le président de KTTF.


La menace du « vampire de l'abeille »


De par son obligation de respecter un cahier des charges bio, KTTF n'a pas de solution radicale pour éradiquer l'ennemi numéro un des apiculteurs, surnommé le « vampire de l'abeille ».

« Nous utilisons de l'huile essentielle d'eucalyptus citronné, de niaouli ou de géranium que nous versons tout en bas de la ruche. Entre 5 et 15 gouttes suffisent selon le type d'huile », explique David Raphaël. L'acide oxalique, contesté mais autorisé en agriculture biologique, représente une alternative au problème. « On le retrouve dans l'oseille, la rhubarbe, l'ortie ou dans les épinards. Nous l'utilisons synthétisé et mélangé dans un sirop pour rendre la solution collante. Elle grille la peau du varroa et le fait tomber », témoigne Yvon Rakotozafy, apiculteur au nord de Manakara.

Les conseils techniques de Damien Blampey, qui connaît bien le varroa, sont indispensables pour les adhérents de la coopérative. « En France, on a la chance d'avoir un hiver assez long pendant lequel le varroa ne se reproduit pas. À Madagascar, ce n'est pas le cas et l'enjeu est d'autant plus important qu'il commence à y avoir de la concurrence. Ruches australes, une petite société française qui exploite 300 ruches réparties dans les environs est en train de se développer », précise l'apiculteur haut-savoyard. C'est aussi le cas de la société belge Saveurs et senteurs du monde (SSF) qui dispose d'une miellerie mobile entièrement équipée pour permettre l'extraction du miel, tout en respectant les normes sanitaires internationales. Un projet de
construction de centres de formation et de traitement de miel, notamment à Manakara, est également prévu. Tout cela ne fait que renforcer la volonté de KTTF de poursuivre ses efforts. Cette prochaine décennie devrait être marquée par l'installation de « nouveaux apiculteurs motivés » ainsi qu'une « meilleure communication sur les propriétés  des différents miels » produits
par la coopérative, encore peu connus en France.


Alison Pelotier