Des vendanges compliquées

Réunion de pré-vendange / Le ban des vendanges a été déclaré le 6 septembre pour les appellations Côte du Jura, l’Etoile et Arbois. Pour Château-Chalon, plus tardif, la décision sera prise le 10. Lors de sa traditionnelle rencontre de pré-vendange, la SVJ a fait le point sur les aléas climatiques et sanitaires et leurs conséquences sur la maturité du raisin, très disparate. Les aides consécutives aux intempéries ont aussi été évoquées.

Des vendanges compliquées

La traditionnelle rencontre de pré-vendanges organisée par la Société de viticulture du Jura s’est tenue le 7 septembre dans l’emblématique caveau des Jacobins à Poligny. Devant une assemblée de vignerons jurassiens, de représentants des OPA régionaux et d’élus locaux, un bilan de cette année 2021 si particulière a été dressé.

« Nos vignes ont connu cette année le gel, la grêle, les pluies torrentielles, les maladies… Heureusement nous avons échappé au feu, tous les départements n’ont pas eu cette chance, et aux invasions de criquets. » A travers cette plaisanterie, Valérie Closset, présidente de la SVJ, annonce tout de suite la couleur : 2021 a été catastrophique pour le vignoble jurassien.

Gaël Delorme, technicien de la SVJ a établi un bilan climatique et sanitaire de cette année 2021 atypique. Elle a débuté par de fortes chaleurs ayant permis le débourrement précoce des vignes dès les premiers jours de printemps. Le coup de gel intense juste derrière, début mai, a grillé tous les bourgeons existants, y compris ceux dans le coton. Le temps froid qui a suivi a ralenti le redémarrage de la vigne et a provoqué parfois des phénomènes de filage.

Valérie Closset, présidente de la SVJ

Le 24 mai, un premier épisode de grêle a eu peu de conséquences, à l’inverse de ceux survenus entre les 21 et 23 juin qui ont localement fortement endommagé les feuillages, le bois et les grappes. Vinrent ensuite des pluies diluviennes : début juillet, il est tombé en quelques jours entre 140 et 230 mm d’eau, ce qui a provoqué l’érosion de certaines parcelles, des glissements de terrain et la détérioration de certaines voies d’accès. Et pour finir, un échaudage mi-août, avec des températures supérieures à 30 degrés, a grillé une partie des raisins qui restaient. L’aoûtement, encore en cours, est poussif ce qui aura des conséquences sur la taille et les choix à faire cet hiver, surtout sur les vignes grêlées.

Une maturité hétérogène

Cette année particulièrement humide a favorisé l’apparition de maladies. Le mildiou a exercé une pression intense sur les feuilles et les grappes, au point qu’aujourd’hui la rosée du matin suffit à poursuivre la contamination. Les premiers symptômes d’oidium sont apparus fin mai avec une évolution importante en fin de saison sur les parcelles sensibles. La pourriture grise est présente dans la zone des grappes, surtout sur le rouge, favorisée par les végétaux mort et les blessures des baies. La flavescence dorée, ou jaunisse, est relativement présente, surtout sur les jeunes chardonnays. Quant à la pourriture acide, aux vers de la grappe et au Black-Rot, ils ont été maîtrisés. Seul un secteur de Pupillin a été impacté par ce dernier.

Selon Antoine Zbyrko du laboratoire départemental d’analyse (LDA), les aléas climatiques et sanitaires ont entraîné une forte disparité de la maturité du raisin. Si la teneur en azote et le taux d’acide tartrique sont corrects, l’été froid est responsable d’un niveau important d’acide malique.

Fort de ces constatations, se pose aux vignerons le choix de faire du crémant ou du vin tranquille selon des critères technique et économique. Le crémant implique une vendange à la main alors que les vins tranquilles peuvent être récoltés avec une machine. Les assemblages possibles doivent être pris en compte de même que la représentativité de la cuvée dans la gamme et la stratégie de l’entreprise. En cas de vendanges manuelles, la SVJ conseille de tout faire pour que les vendangeurs gagnent du temps, notamment préparer visuellement les pieds en les effeuillant. Une bonne connaissance des parcelles et de leur maturité permet d’optimiser leur passage. Concernant la vinification, la vendange doit être conservée jusqu’à l’obtention d’un pressoir complet. « Il n’y a pas une seule réponse, » précise Valérie Closset. « Vous seul l’avez pour vos vignes. »

Achat de raisin autorisé et aides exceptionnelles

Pour aider les viticulteurs ayant perdu la majorité de leur récolte, le préfet David Philot a pris un arrêté leur permettant d’acheter du raisin. Le volume est limité à 80% de la production moyenne déclarée au cours des cinq dernières années, après incorporation de leur propre vendange. Si ce raisin provient d’autres régions, les vins seront sans indication géographique.

Pour aider les viticulteurs à surmonter cette année, des aides exceptionnelles ont été mises en place après le gel. Saussi El Alaoui, chef de service à la DDT, a évoqué l’avancement des calamités agricoles. Après un audit sur 12 exploitations représentatives, le taux de perte prévisionnel moyen a été estimé à 70%. Les premiers versements devraient débuter au printemps 2022. Leurs montants dépendront du rendement et du prix de vente moyen mais aussi de l’enveloppe globale qui sera définie en début d’année prochaine. Les viticulteurs ayant souscrit une assurance récolte ne sont pas éligible à ce dispositif mais devraient recevoir une aide supplémentaire de l’Etat.

La MSA a rappelé que pour bénéficier de la prise en charge des cotisations sociales, les dossiers devaient impérativement être retournés avant le 8 octobre. Dans le cas d’un GAEC, chaque membre est éligible, il faut donc monter un dossier par associé. L’organisme en a reçu jusqu’à présent 270. Sur les deux tiers déjà étudiés, seuls 10 ont été retournés pour un complément d’information.  Cette prise en charge, hors CSG-CRDS, sera affectée aux dettes 2021, ou pour ceux qui sont à jour, sur les cotisations 2022. Elles n’auront aucun impact sur les droits maladie et retraite des assurés. La MSA peut aussi apporter une aide financière pour améliorer les conditions de travail des salariés.

L’organisme a aussi prévenu que des opérations de contrôle contre le travail dissimulé seraient effectuées. Chaque vendangeur doit être déclaré à la MSA avant de mettre le pied dans les vignes. S’il embauche des étrangers, le patron doit vérifier qu’ils ont bien le droit de travailler en France. Le bénévolat n’existe pas mais l’entraide est tolérée entre agriculteurs si elle est réciproque et en famille, pour les parents du 1er degré, si elle est occasionnelle, spontanée et non rémunérée. Entre la nouvelle convention collective nationale et l’ancienne régionale (devenue accord territorial), les conditions les plus favorables doivent être appliquées.

Le travail à la tâche est interdit dans le département. La FRSEA négocie un accord régional sur le sujet pour que ce qui est aujourd’hui possible en Bourgogne le soit à l’avenir dans le Jura.

SC

Ils ont dit

Valérie Closset, présidente de la SVJ : « 2021 laissera des stigmates sur les vignes et sur les hommes. Ce fut l’occasion pour notre vignoble de réaliser un travail collaboratif et de réveiller l’esprit collectif. Les vendanges vont nous demander encore beaucoup d’énergie et seront compliquées : il y aura très peu de grappes, certaines sont atteintes sanitairement, la maturité n’est pas homogène… Nous allons devoir travailler dans une cuisine surdimensionnée. Même si nous ne savons pas par quel bout nous allons les prendre, nous serons au taquet. »

Gaël Delorme, technicien de la SVJ : « Si on a l’impression d’avoir eu des températures plutôt basses cette année, c’est en comparaison de celles élevées les années précédentes. 2021 a été dans la moyenne des vingt dernières années »

David Philot, préfet du Jura : « Je suis conscient, comme tous les services de l’Etat, que vous vivez un millésime exécrable, exceptionnel dans le mauvais sens du terme. Mais même si le moral est au plus bas, il y a des lueurs d’espoir : les réflexions que vous menez, comme le plan résilience, se concrétisent. »