High-tech / Les quatre fédérations départementales des chasseurs de Franche-Comté (Jura, Doubs, Haute-Saône et Territoire de Belfort) ont été des précurseurs en faisant chacune l’acquisition d’un drone professionnel en janvier 2021. Les chasseurs jurassiens ont présenté le leur à leurs partenaires le 8 octobre sur les rives du lac de Chambly. L’appareil leur permet de mieux connaître et de protéger la faune, d’effectuer diverses cartographies, de modéliser en 3D des secteurs et bien sûr de réaliser des images aériennes de communication.
Ce drone peut monter à 120 mètres de hauteur et peut s'éloigner jusqu'à 500 mètres du pilote qui doit toujours l'avoir dans son champ de vision. Il pèse de 7 à 8 kilos selon les équipements installés et son autonomie est de 40 minutes. Les chasseurs, qui possèdent trois jeux de batterie, peuvent donc l’utiliser 2 heures consécutives. L’appareil peut voler avec des vents allant jusqu’à 55 km/h. Il est équipé de caméras haute-définition, infrarouge et thermique et d’un système automatique de traque qui permet à l’objectif de suivre un animal. Un Lidar peut aussi être monté. Son prix : 30 000 €, financé en partie par une éco-contribution de l’Office français de la biodiversité (OFB) et par la fédération nationale de chasse. Avant de réaliser un achat aussi conséquent, les chasseurs du Jura ont étudié son utilité pendant un an grâce au drone d’un prestataire.
Un tel appareil doit obéir aux règles aéronautiques sur les objets volants. Trois techniciens de la FDC39 ont suivi des formations pour pouvoir le piloter mais aussi pour analyser les images prises et effectuer des post-traitements informatiques. Interdiction de voler de nuit sans autorisation ou à proximité d’aérodrome, droit à l’image, etc. : les règles à respecter sont nombreuses et y contrevenir est passible de 75 000 € d’amende et d’une peine de prison. Deux personnes sont nécessaires pour utiliser ce drone : le télépilote et celui ou celle qui surveillera la caméra sur un écran.
Plusieurs partenaires des chasseurs ont fait le déplacement ce 8 octobre pour assister à la démonstration : réseau SNCF, le conservatoire botanique national, l’OFB, la fédération de chasse de Haute-Savoie, un représentant Natura 2000 de la communauté de communes Terres d'Emeraude…
Un faon ou une fourmilière ?
La première utilité de l’appareil est la protection de la faune. Les chasseurs s’en servent par exemple pour détecter les faons dans les champs qui doivent être fauchés. Des dizaines sont ainsi tuées chaque année, il n’est pas rare de voir les chevrettes chercher leurs petits une fois les tracteurs passés.
De février à avril, les agriculteurs ont été contactés par les chasseurs. Cette année, 37 ont participé à l’opération en prévenant la FDC39 de leurs dates de fauche. Le jour J, les chasseurs viennent très tôt car dès que la chaleur s’élève, les points chauds se multiplient, même les fourmilières sont alors signalées par la caméra thermique. La première chose à faire est de faucher une piste de décollage car l’appareil est trop volumineux pour être tenu à bout de bras.
Quand un faon est détecté, s’il ne s’enfuit pas, les chasseurs placent sur lui une caisse à pommes bien ajournée pour qu’il puisse respirer. Une boucle auriculaire est posée pour assurer son suivi. Son poids et son sexe sont aussi relevés. Cette année, 31 faons ont ainsi été sauvés sur les 338 hectares prospectés. Ceux capturés pesaient entre 2,4 et 6 kilos. Une fois l’animal protégé, l'agriculteur fauche autour puis la caisse est enlevée pour qu'il puisse s'enfuir.
Si le drone ne peut pas voler, qu'il n'est pas disponible ou que la parcelle est en zone aérodrome, les chasseurs perturbe l’animal en installant la veille des lampes et des balises sonores autour de la parcelle. La chevrette, ne se sentant pas en sécurité, va alors récupérer son faon. L’an prochain, des effaroucheurs à ultrasons seront testés.
Sur le même principe, le drone a permis de détecter les nids de courlis et de vanneaux dans la vallée de la Brenne. Quand ils en trouvent, les chasseurs travaillent avec les agriculteurs pour retarder la fauche. « Si on opérait comme avec les faons en fauchant autour du nid, les prédateurs les trouveraient de suite, » précise Thomas Barberet, technicien cynégétique et télépilote. Deux nids de courlis ont ainsi été détectés dans les prairies et deux nids de vanneaux dans des champs de soja.
Cet automne, quand les feuilles seront tombées, les chasseurs se serviront du drone pour détecter les chamois. « Nous allons aussi travailler sur la gestion des sangliers. L’appareil nous servira à les détecter dans les champs de maïs et de miscanthus, » explique Thomas Barberet.
Plusieurs agriculteurs ont contacté la FDC39 pour demander si elle pouvait utiliser le drone pour constater les dégâts de la faune sauvage dans les champs. « Ce n’est pas possible car il faut suivre le protocole national de déclaration. »
Attaqué par les corbeaux
La prise d'images aériennes permet aussi un meilleur suivi de divers travaux notamment dans les marais ou la prospection est parfois impossible à pied. Il sert par exemple à détecter et cartographier la progression d’espèces envahissantes comme les solidages ou l’étendu des herbiers sur un étang.
« Le principal avantage du drone est le gain de temps sur de nombreuses opérations, » résume Michael François, chargé de mission pôle habitat et restauration des zones humides pour la FDC39 et télépilote. « Nous nous en servons aussi pour déterminer le taux de recouvrement et de fermeture d'un milieu, détecter des drains dans les marais, estimer la population au sein d'une héronnière (comptage au nid, nombre d’œufs, envol)... Il sert aussi à réaliser des spots de communication, le zoom de l’appareil permettant une image très précise. A 70 mètres de hauteur, un pixel correspond à 2 centimètres : il est possible de distinguer l’œil d’un chevreuil. Nous avons besoin de cette précision. » Les oiseaux ne sont pas effarouchés par le drone en position stationnaire.
Petit bémol, le drone ne peut pas voler en présence de corbeaux car ces derniers peuvent parfois l’attaquer. Il faut aussi faire attention au tuilage des feuilles qui bloque la chaleur, l’infrarouge ne traversant pas la matière. Les télépilotes ont appris à se méfier des faux positifs, les zones d’ombre pouvant se confondre avec des surfaces aquatiques, tout comme les fourmilières peuvent être prises pour des faons.
Cartographie en 3D
Le post-traitement informatique permet de réaliser des orthophotos géolocalisées en 3D, 600 prises de vues aériennes sont alors nécessaires pour chaque parcelle. Il est aussi possible d’installer un Lidar sur le drone pour étudier et cartographier les sols en relief, ce qui permet par exemple à la fédération de simuler la montée en eau d’un lac.
Les chasseurs envisagent d’utiliser l’appareil pour mettre en place divers partenariats en faveur de la faune et de l’environnement. « Mais nous n’irons pas inspecter des conduits de cheminée, ce drone n’est pas fait pour ça, » précise Michael François.
S. C.