FDSEA
« Notre seule boussole : produire de l’alimentation en France »

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, était à Planoiseau ce 10 mars pour l’assemblée générale de la FDSEA du Jura. L’occasion pour les agriculteurs de revenir sur des sujets comme l’environnement, la souveraineté alimentaire, l’Europe ou encore le loup.

« Notre seule boussole : produire de l’alimentation en France »
La présidente du COPA espère faire changer les règles sur le loup au niveau européen

Salle comble vendredi dernier à Plainoiseau. L’assemblée générale de la FDSEA 39 s’est déroulée en présence de 160 personnes. Cette rencontre a été marquée par l’intervention de la présidente nationale Christiane Lambert.

Le premier sujet sur lequel Christophe Buchet, président de la FDSEA 39, a voulu solliciter la présidente nationale c’est celui de l’environnement. Il évoque « la charge mentale » des agriculteurs soumis au « toujours plus vert »  et s’interroge : « aurons-nous toujours la capacité de produire demain ? » Et de citer d’autres sujets sur lesquels Christiane Lambert est attendue : le loup, les zonages de parcs, la problématique de l’eau…

La présidente de la FNSEA parle de « harcèlement contre les agriculteurs ». Les mots ont leur importance. « Arrêtons de dire ‘sortir du pesticide’ comme l’on dirait ‘sortir du nucléaire’ ! ». Pour elle, prôner le « zéro phyto est une aberration ». « Osons dire que pour faire de l’agriculture nous avons besoin de chimie. Des alternatives arrivent et les agriculteurs les adopteront au fur et à mesure. Le temps politique et médiatique n’est pas celui du scientifique… »

« Il faut sonner la révolte ! »

Concernant le maintien de la capacité de production, c’est l’intransigeance zéro pour la présidente nationale. « Il faut sonner la révolte ! Nous avons réussi pendant ce salon de l’agriculture à réveiller nos 14 ministres reçus sur le stand de la FNSEA, en leur montrant la courbe des importations qui grimpent et la courbe des exportations agricoles en berne. Bruno Le Maire a déclaré qu’il ne voulait pas d’une France sans agriculteurs à l’image d’une France sans industrie »

La demande des syndicats FNSEA et JA est simple : « que les décisions politiques soient guidées par une seule boussole : produire de l’alimentation en France ».

« Les prix des produits doivent nous permettre de faire face à la hausse des charges », martèle Christiane Lambert

Les échanges entre la salle et Christiane Lambert ont été ouverts par Justine Gruet, députée, qui réaffirme l’importance de ne pas opposer souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. « J’aimerais que l’on s’intéresse davantage à la façon dont on déploie l’énergie sur nos territoires », insiste l’élue jurassienne.

En réponse, Christiane Lambert oriente l’attention de l’assemblée sur la terrible actualité de la guerre en Ukraine qui déclenche famines, inflation, crise de l’énergie… « Personne n’aurait imaginé cela. Aujourd’hui nous le vivons au jour le jour. L’inflation alimentaire a atteint 14 %. La souveraineté alimentaire, oubliée par nos dirigeants, redevient importante ». Concernant la souveraineté énergétique, là aussi le réalisme prévaut pour Christiane Lambert : "Les conséquences de ce conflit perdureront, même après la guerre… Aussi l’agriculture est un secteur appelé à contribuer à la production d’énergie". Concernant l’agrivoltaïsme, Christiane Lambert rappelle les règles posées par la profession qui visent justement à concilier production agricole et production d’énergie. « Nous avons obtenu qu’une loi définisse l’agrivoltaîsme. Elle est en attente des décrets d’application ». Et de citer certains projets qui lui semblent intéressants comme les ombrières sur les vignes et sur les céréales ou encore des projets à dimension collectives avec partage de la valeur ajoutée… « Vivons avec notre temps », invite la présidente de la FNSEA.

Vincent Rouget, agriculteur, exprime son inquiètude de voir les capacités de production agricole mises en danger par des accords internationaux, comme le fut le cas par le passé pour la production de betterave.

La Pac vient en compensation de ces distorsions de concurrence. « La prise de conscience avec la Covid d’une nécessaire souveraineté alimentaire nous a permis de plaider en faveur d’un budget de la PAC dont la baisse a été contenue à 2 % seulement contre les 15 % programmés. Et l’ICHN a pu être maintenue en totalité », rappelle Christiane Lambert.

L’eau, les parcs et Natura 2000

Sur la problématique de l’eau, la question des réserves suscite des blocages dans certaines régions. « Ces critiques sont insupportables, il ne s’agit en aucun cas d’accaparement de l’eau comme certains voudraient le faire croire ! », lance Christiane Lambert. Concernant la qualité des eaux, la présidente rappelle que l’agriculture s’est engagée sur les nitrates. « Là où les indicateurs ne s’améliorent pas, il faut que les agriculteurs soient associés. ».

Entre concertation, recherche de solutions et fermeté pour faire reconnaître les besoins agricoles, voilà tout l’équilibre à tenir sur les sujets environnementaux. Et Christiane Lambert applique également cette règle à la question des zonages.

Dans la relocalisation des parcs naturels, elle conseille de toujours imposer la présence agricole (FDSEA, JA, chambre d’agriculture…). « Les conditions retenues doivent être acceptables pour les agriculteurs. »

Plus de 160 personnes à la salle des fêtes de Plainoiseau

Les zones Natura 2000 suscitent actuellement le débat.  « Des ONG attaquent et demandent d'interdire les phytos. Les règles européennes parlent elles de ‘restrictions’ ; Nous avons obtenu qu’elles soit discutées dans chaque zone, avec intelligence, entre le préfet et les agriculteurs, avec un objectif : maintenir la production sur les territoires. »

 Franck David, président du comité de pilotage Natura 2000 de la forêt de Chaux, s’inquiète que le dossier soit du ressort désormais de la région. « Nous étions jusqu’à maintenant sur la base du volontariat avec les différents acteurs. Je vous rejoins sur l’extrême vigilance à avoir sur ce dossier. »

Concernant les aléas climatiques, Jean-Pierre Gros, président de Groupama Jura, rappelle les enjeux de la réforme des calamités agricoles, avec l’échéance du 31 mars pour s’engager dans le dispositif assurantiel.

Christiane Lambert abonde en ce sens : « Aujourd’hui, ceux qui ne seront pas assurés ne bénéficieront pas de la solidarité nationale. Nous devons être capables de changer nos itinéraires culturaux mais aussi d’assurer une capacité financière à nos exploitations. »

La course au caddie le moins cher…

Sur le volet économique, la loi Egalim 2 a permis d’obtenir un retour de valeur ajoutée pour les agriculteurs.. Une victoire récente  pour le syndicalisme avec l’abandon du « panier anti-inflation », « un projet inégalitaire et qui appelle au produit le moins cher possible ! » Mais la situation est compliquée reconnaît la présidente de la FNSEA. « Le débat sur l’inflation joue contre nous. Notre difficulté est de trouver l’équilibre entre le prix et la capacité à garder les marchés et les consommateurs. » Une commission paritaire réunie le 15 mars doit faire une proposition de loi (Egalim 3) pour définir les pratiques de ventes à perte, encadrer les promotions et permettre aux industriels d’arrêter leur livraison en cas d’échec de discussion sur les prix avec les centrales d’achats européennes. « Nous demandons le soutien des parlementaires pour ne pas lâcher les agriculteurs. Les prix des produits doivent nous permettre de faire face à la hausse des charges. Nous demandons aussi de faire entrer les coûts des industriels dans cette négociation, car ce maillon est fragilisé »

"La course au caddie le moins cher est une spécificité française ! J’en appelle aussi à la responsabilité des consommateurs !", lance Christiane Lambert, avant d’ajouter avec fermeté : « Mon indice de satisfaction, c’est le degré de colère d’Edouard Leclerc… »

Retrouvez mois par mois les actions menées par la FDSEA du Jura en 2022

La France doit se caler sur l’Europe

L’incohérence des orientations adoptées aujourd’hui par la Commission européenne dans les Stratégies « Farm to furk » (« De la ferme à la fourchette ») conduira l’agriculture européenne dans une impasse. Comment parler de mettre 10 % des terres agricoles sous cloche et en même temps prôner la souveraineté alimentaire ? Le projet Farm to furk compte une douzaine de textes et « la difficulté de la France c’est qu’elle transpose tout et veut laver plus blanc que blanc », s’inquiète Christophe Buchet. Sur ce sujet, Christiane Lambert abonde en apportant quelques exemples. 454 produits phyto sont homologués au niveau européen, seulement 309 en France. « 30 % de produits en moins, c’est une vraie distorsion ! » Autre exemple : l’arrêt de l’emballage plastique en maraîchage est un choix de la France.

La présidente de la FNSEA en appelle à une prise en compte de la contribution des agriculteurs. « Essayons de valoriser ce que nous faisons en faveur du climat : le carbone stocké dans les prairies et le carbone capté qui est le fruit de l’effort de nos changements de pratiques. L’Europe le reconnaît, la France pas ! » Cela représenterait au bas mot entre 3 000 et 4 000 euros par ferme. La FNSEA se bat pour obtenir cette reconnaissance.

Merci  Christiane !

À quelques mois de la fin de son mandat à la tête de la FNSEA, Christiane Lambert a été applaudie chaleureusement par les agriculteurs présents à Plainoiseau, saluant son engagement pour la défense de la profession au CDJA, à la FNSEA et enfin au COPA à Bruxelles. Christophe Buchet lui a remis une cloche de montbéliarde de la part de la FDSEA du Jura. Un hommage également de Danielle Brulebois : « Vous êtes une femme respectée, écoutée. C’est un grand honneur de vous avoir avec nous », a ajouté la députée.

Enfin, c’est à Frédéric Perrot, ancien président de la FDSEA et de la FRSEA, et qui connaît de longue date Christiane Lambert, que revenait le mot de la fin : « Tu n’as pas varié dans ta pugnacité, ta connaissance des dossiers, la qualité de tes interventions. Bravo pour tout ton travail ! Au nom des agriculteurs du Jura, nous te remercions du fond du cœur. »

C’est avec une certaine émotion que Christiane a quitté l’assemblée ajoutant simplement : « J’aime ce que je fais, je l’ai choisi par goût et par passion ». Une page se tourne, après 42 ans dans le syndicalisme pour celle qui a commencé à adhérer au CDJA dans son Cantal natal à l’âge de 19 ans.

IR

Remerciements à Christiane Lambert pour ses 42 années d’engagement

Loup : des actions au niveau français et européen

« Un sujet sur lequel nous n’arriverons pas à nous adapter, c’est celui du retour loup, alerte Philippe Cornu, président des JA. Nous allons attaquer l’année 2023 avec sans doute 4 meutes dans le Jura. L’inquiétude pour la mise à l’herbe est énorme. »

Christiane Lambert estime que la situation est « insupportable pour les éleveurs ». Le front de colonisation du loup s’agrandit sur des zones difficiles à protéger. La présidente du COPA espère faire changer les règles au niveau européen. Parmi les avancées obtenues : une cartographie des attaques de loup en Europe, le déclassement du loup et essayer d’obtenir un vote pour diminuer la pression du loup. « La bataille n’est pas gagnée, il existe des oppositions fortes, les Verts des pays du Nord ne veulent rien changer… » .

En France, la première action a été de redemander un comptage entre agriculteurs et chasseurs. Résultat : 1 000 loups dénombrés, soit le double du chiffre annoncé par l’administration.

Parmi les demandes de la profession agricoles : un traitement différent entre les zones de montagnes en estive et les zones de demi-montagne avec de l’élevage ovin et bovin.

Les éleveurs peuvent compter sur le soutien des élus des communes et des départements qui bien souvent craignent un péril économique et touristique  pour leur secteur.

« Il faut le redire : la biodiversité, c’est nous, c’est le pastoralisme, c’est l’élevage, mais ce n’est surtout pas le loup ! », martèle la présidente de la FNSEA.

Applaudissements dans la salle.

Réseau FNSEA 2025

Le renouvellement des générations agricoles est un défi. Celui du renouvellement des adhérents et des responsables de la FDSEA en est également un. Pour y répondre, la FDSEA du Jura s’engage dans un repositionnement en cohérence avec la proposition nationale Réseau FNSEA 2025. « L’enjeu est de fédérer les agriculteurs autour des mêmes valeurs. Nous devrons faire évoluer notre syndicalisme, entre une approche collective et individuelle, en poursuivant le développement de services, et en continuant à travailler avec d’autres organismes agricoles, ce qui est un marqueur fort de notre département. À nous d’écrire la suite… »

Quant à la défense collective des agriculteurs elle s’appuie sur le Réseau FNSEA.

« La force de la FNSEA c’est son réseau », scande Christiane Lambert. Et elle a pu le constater au cours de sa tournée d’hiver dans 42 départements. Le premier objectif c’est de solidifier le réseau et de gagner des adhérents. Beaucoup de départements ont embauché une personne dédiée à la relance syndicale. C’est le choix qu’a fait la FDSEA du Jura avec l’embauche de Laetitia Le Guen, nouvelle animatrice syndicale.