À l’occasion du 160e anniversaire des Glorieuses de Bresse, qui se tiendra en décembre, le Comité Interprofessionnel de la volaille de Bresse organisait jeudi 27 octobre un Educ’tour à Varennes-Saint-Sauveur. Une ode à la seule volaille qui bénéficie d’une appellation d’origine.
Laurent Marquis a joué les guides pour l’occasion, lui qui a rejoint l’entreprise familiale, la célèbre Maison Marquis, sur le tard. « J’ai pris la suite de mon père, qui est éleveur en Bresse et continuera tant qu’il pourra. Il avait succédé à mon grand-père. Mon parcours est un peu différent puisque j’ai travaillé en bureau jusqu’à la crise de la quarantaine… C’est là que j’ai décidé de reprendre l’exploitation familiale ». Une exploitation 100 % volaille de Bresse de soixante hectares dont quarante en cultures, majoritairement dédié à l’alimentation de l’élevage, et vingt exclusivement dédiés aux parcours des volailles.
Pas question de rentrer dans les parcs, pour cause de risque d’Influenza aviaire en cet automne 2022 de tous les dangers, les visiteurs doivent rester à l’extérieur. Ici, il y a 22 cabanes, 18.000 volailles en moyenne et un roulement permanent qui permet de produire du poulet toute l’année. « En conventionnel, ces volailles seraient élevées dans un seul bâtiment d’environ 500 mètres de long, sans jamais sortir », insiste Laurent Marquis, visiblement fier du savoir-faire dont il a hérité.
Le cahier des charges de l’AOP prévoit un minimum de 15 m² de prairie et douze poulets maximum par m² dans les poulaillers. L’exploitation produit les quatre catégories reconnues de Bresse : poulets, poulardes, dindes et chapons. Le chapon arrive en mars pour une durée de vie de neuf mois. Les poulets sont castrés entre six et huit semaines et doivent atteindre trois kilos, minimum. « J’en fais 250 pour des grossistes, des restaurants ou de la vente directe. Pour les fêtes de fin d’année, nous produisons également des poulardes qui, elles, doivent avoir dix-huit semaines, minimum, jusqu’à leur maturité sexuelle, avant qu’elles ne commencent à pondre. Le système de ponte prend énormément d’énergie, nous perdrions tout l’engraissement pris ».
Connaître le moment idéal pour retirer les poulardes et les chapons, c’est là tout le savoir-faire de l’éleveur. Sachant que le soleil accélère la maturation des femelles, il est difficile de les engraisser correctement en été, ou même durant cet automne particulièrement doux. Dès que leur crête commence à foncer, qu’elle devient molle et tombe légèrement, c’est la maturité qui guette, il faut alors les mettre à l’ombre. Pour les petits modèles, au contraire, une exposition à la lumière accélère la croissance. « Il m’aura fallu trois ans, avec l’aide de mon père, pour apprendre tout ce que je sais de la volaille de Bresse. Il n’y a pas d’école pour cela. C’est tout l’intérêt de la pratique, de l’expérience », confie Laurent marquis.
Les spécificités de l’élevage
À l’origine de l’AOP il y a un terroir, mais aussi et surtout une race : la gauloise blanche. « Il existe un seul et unique acouvoir agréé qui garantit la pureté de la souche de la volaille de Bresse. Si chacun pouvait faire ses propres poussins, la souche serait perdue depuis longtemps. Tout le monde aurait fait des croisements », s’amuse l’éleveur. Celle race, rustique, a été enregistrée dans le premier cahier des charges de l’AOP, en 1957. Elle a un plumage entièrement blanc, y compris le camail. Ses pattes sont bleues et entièrement lisses, sa crête rouge vif avec de grandes dentelures, ses barbillons rouges, les oreillons blancs ou sablés de rouge. Sa peau et sa chair sont bien blanches. L’élevage, selon les critères de l’appellation, se fait en trois phases. La première, au démarrage, consiste à donner une alimentation complète aux poussins pendant cinq semaines. Durant la seconde phase, celle de la croissance, les volailles profitent de leur parcours. Leur nourriture, volontairement carencée en protéine, est constituée de maïs et/ou de blés produits sur la zone AOP et garanties sans OGM. L’objectif est de les inciter à trouver un tiers de leur nourriture en prairie, que ce soient des vers, des insectes, des mollusques, de l’herbe ou encore des graines. Enfin, la dernière phase est celle de la finition, durant laquelle les volailles sont placées en épinettes durant dix jours, minimum, pour les poulets, trois semaines pour les poulardes et quatre semaines pour les chapons. « Il faut surtout trier les volailles selon leur croissance, et ne pas prendre tout un lot, pour l’emmener en épinettes », insiste Laurent Marquis. La volaille de Bresse nécessite un travail de longue haleine et de précision, parfois malmené par les pertes dues aux prédateurs, qui sont en moyenne de 10 %. En cause, les renards, mais aussi et surtout les rapaces (buses, autour des Palombes, corbeaux etc.)
Un travail qui a le mérite d’être reconnu à l’international, sur les tables les plus prestigieuses, à commencer par celles du président du Comité Interprofessionnel de la volaille de Bresse, Georges Blanc.
Cerise sur la volaille, cet Educ’tour s’est terminé par un atelier de roulage. Une traditionnelle finition typiquement bressane pour une chair encore plus tendre. Le roulage, véritable mise sous vide d’antan, permettait une meilleure conservation et facilitait le transport des volailles de Bresse. Cette méthode a été conservée dans le cahier des charges parce qu’elle optimise les qualités organoleptiques des volailles fines de Bresse. Après abattage, poulardes et chapons sont donc plumés à la main, lavés et enveloppés dans une toile végétale très fine pour protéger leur peau avant d’être dégustées.
Ariane Tilve