Exportation de montbéliardes
Trois questions à Dominique Peinturier

Suite à la diffusion d'images de mauvais traitements sur des animaux exportés en Afrique du Nord, Dominique Peinturier, directeur d'Eva Jura a tenu à réagir...

Trois questions à Dominique Peinturier

Le Jura Agricole et Rural :  Quelle est votre réaction à la suite des images diffusées par quatre ONG montrant de la maltraitance sur des animaux exportés en Afrique du Nord ?

Dominique Peinturier : De mon point de vue, le sujet n’est pas le problème du traitement des montbéliardes au Maroc, mais celui plus global de la maltraitance des animaux à travers le monde, dont on parle. Dans chaque pays, les rapports avec les animaux peuvent être différents de ceux que nous préconisons en France. Sommes-nous pour autant légitimes à donner des leçons ? La France du 19ème siècle n'était pas exemplaire non plus sur ce sujet. Nous n'avons aucun droit d'ingérence à l'extérieur de nos frontières. Dans la situation inverse, accepterions-nous que des étrangers nous dictent leurs pratiques, selon leurs propres codes de valeurs ? Soyons réalistes. La liberté d'expression n'existe pas partout, les droits des femmes sont parfois bafoués, des enfants peuvent être mis au travail dans leur plus jeune âge. D'un point de vue émotionnel, ces situations nous heurtent mais chaque société est responsable de son propre destin. Les éleveurs montbéliards de Franche Comté ne sont pas responsables des conditions d'abattage des animaux d'élevage à des milliers de kilomètres de chez eux. 

JAR : Ce genre de communication est-il néfaste ?

D.P. : Ce qui est regrettable, c’est qu'un article de presse, paru localement, jette l’opprobre sur la race montbéliarde en particulier alors que la race n'est pas le sujet principal. Une simple capture d'écran faite dans un ensemble de quatre vidéos aura suffit à élever la montbéliarde au rang d'accusé n°1. La façon dont la communication est faite influence aussi le jugement. Trop d'informations incomplètes ou erronées circulent sur trop de supports. Même si nous condamnons ces violences sur animaux, je voudrais dire que les exportations de génisses montbéliardes ont un rôle très positif. Par sa capacité à résister notamment aux températures élevées, la montbéliarde permet de fixer des populations rurales, de permettre un avenir dans des villages où la jeunesse rêve trop souvent d'aller chercher un Eldorado de l’autre côté de la Méditerranée ! Ces éléments sont importants à prendre en considération. Le bonheur des hommes, ça compte aussi. La montbéliarde y contribue à sa façon.

JAR : Pourtant les éleveurs-acheteurs ont bien conscience de la valeur de ces animaux ?

D.P. : Chacun sait bien que les génisses montbéliardes sont achetées non pas pour être abattues mais pour produire du lait. Ces animaux valent un prix certain pour ces éleveurs acheteurs. La chute des monnaies locales consécutives à la crise sanitaire et économique du Covid 19 a renchéri encore les coûts finaux. Pour les acheteurs, ces animaux sont précieux. Leur intérêt est d'abord de bien s'en occuper. Même si bien sûr, comme chaque homme finit un jour dans un cimetière, tout bovin connaitra un jour l'abattoir. Dans les deux cas, le plus tard possible.

Propos recueillis par Michel Ravet