Sur le vignoble de Château-Chalon, le débourrement des premiers bourgeons a été observé entre le 13 et le 15 avril dernier. C’est une étape clé dans le cycle végétatif de la vigne.
Une autre campagne commence. La vigne n’est pas en avance en ce printemps, mais face à la hausse des températures de nombreux bourgeons ont atteint le stade de débourrement. Le cycle végétatif de la vigne est bien parti.
Mais, quand on parle de débourrement, on parle de quoi au juste ? On distingue deux stades principaux chez la vigne. Le premier, c’est le repos végétatif : la vigne est en dormance de novembre à février. Le second, le stade végétatif, se caractérise par la croissance et le développement des bourgeons puis des rameaux et des grappes, de mars à octobre.
« Le stade qui répond le mieux à la définition du débourrement est le stade B de Baggiolini. Tous les bourgeons d’une souche ne débourrant pas en même temps, on fixe la date de débourrement au moment où 50 % des bourgeons sont au stade B », résume Alain Reynier, ingénieur agronome et œnologue à SupAgro Montpellier et professeur honoraire en viticulture.
Le débourrement est une étape clé de la vigne. Il arrive à un moment où les conditions climatiques printanières sont très instables, pouvant apporter les gelées de printemps redoutées par la profession. Et pour cause, depuis 2017, la vigne a déjà gelé 4 fois ! Bref, c’est récurrent.
Retarder un développement précoce
Pour Gaël Delorme, conseiller viticole à la Chambre d’agriculture du Jura et à la Société de viticulture du Jura (SVJ) à Lons-le-Saunier, « le débourrement est un stade phénologique assez fragile, notamment face aux gelées. Pour limiter les dégâts en cas de gel, on cherche à retarder le développement précoce de la vigne. Pour cela, on a plusieurs pratiques viticoles en fonction des cépages, des parcelles, de leurs expositions et de la surface d’exploitation. Chacune est à étudier au cas par cas, car elles occasionnent du temps et de la main d’œuvre. »
Tailler tardivement est l’une de ces pratiques. Tout le monde connaît cet adage, complètement d’actualité : « taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars ». Indéniablement c’est une bonne alternative, mais elle demande une organisation du chantier de taille, du temps et de la main d’œuvre.
« Au cours de la taille, on peut aussi laisser plusieurs baguettes, souligne-t-il. On observe des professionnels qui laissent trois baguettes, deux sont liées, l’autre est fictive. Elle sera rabattue après les risques de gelées. C’est une bonne pratique, mais elle génère une consommation d’énergie excessive pour la vigne. »
« D’autres vignerons laissent seulement deux longues baguettes. Elles sont liées le plus tard possible, et rabattues une fois le risque de gelées écarté de la mi-avril à la fin avril par exemple. Apparemment sur chardonnay et pinot noir, des cépages plus précoces que le savagnin, ça marche plutôt bien », explique de son côté Valentin Credoz, vigneron à Château-Chalon, en 3ème année de conversion bio.
On l’a compris, des pratiques pour retarder le débourrement de la vigne existent, mais elles nécessitent de la main-d’œuvre, « ce qui est un gros problème pour les professionnels car il est très difficile de trouver du personnel malheureusement », déplore-t-il.
Introduction de matériel végétal plus tardif
Une autre piste de recherche pour retarder le débourrement est l’introduction de nouveau matériel végétal plus tardif, que ce soit des cépages ou des porte-greffes. Pour cela, en 2003, la Société viticole du Jura a mis en place trois conservatoires d’une cinquantaine de cépages jurassiens anciens implantés à Château-Chalon, Le Vernois et Champagne-sur-Loue. L’idée est de conserver un patrimoine génétique et d’identifier les intérêts agronomiques de chaque cépage pour la profession.
« En implantant ces conservatoires, nous avions anticipé le réchauffement climatique sans le savoir dans le cas où on aurait besoin de nouveau matériel végétal, se réjouit Gaël Delorme. Il était important de conserver une diversité génétique d’anciens cépages. »
La profession va également chercher des variétés de vigne dans d’autres bassins de production viticole, notamment des variétés d’intérêt à fin d’adaptation (VIFA). À ce sujet, certaines ODG (Organisme de défense et de gestion) du Jura, ont déjà proposé à l’INAO (Institut national de l’origine et la qualité), certains cépages comportant des intérêts agronomiques. D’autres ODG sont en cours dans cette démarche.
L’objectif est d’expérimenter ces cépages sur des thématiques d’adaptation, telles que les effets du réchauffement climatique (gel, été chaud, autres), les profils œnologiques des vins (acidités plus soutenues), et les tolérances aux maladies cryptogamiques. Une réponse de l’INAO est attendue pour cette année 2022.
S’agissant de nouveaux porte-greffes, le Jura, mais aussi l’ensemble des vignobles français, manquent de références. « Nous sommes limités pour l’instant sur les porte-greffes », conclut Gaël Delorme.
José Martinez Teruel
Quel est le mécanisme du débourrement ?
Selon Alain Reynier, « le débourrement est la conséquence du démarrage de la croissance qui commence très tôt, bien avant le débourrement et s’accélère fin février-mars en entraînant le gonflement de l’œil latent, l’ouverture des écailles et l’apparition de la bourre.
En fait, le processus de croissance va s’enclencher au cours de l’hiver chaque fois que la température de l’air ambiant atteint et dépasse un certain seuil.
On distingue deux types de seuil. Un seuil dit de croissance réelle, de l’ordre de 4 à 5 °C, qui correspond à la température à laquelle l’activité cellulaire reprend. Et un seuil dit de croissance apparente, de l’ordre de 8 à 12 °C, on retient le plus souvent la valeur de 10 °C, appelé aussi zéro de végétation de la vigne, qui correspond à la température moyenne journalière à partir de laquelle le débourrement se produit.
J.M.T.