Prédation
Un plan loup qui laisse sur sa faim !

Alors que le nouveau plan loup s’appliquera à partir du 1er janvier, la FDSEA et les JA du Jura organisaient la semaine dernière une réunion à la Chaumusse pour le présenter aux éleveurs en présence d’Edouard Pierre, référent national des Jeunes Agriculteurs sur le dossier loup.

Un plan loup qui laisse sur sa faim !
Philippe Cornu, président des JA 39, Christophe Buchet, président de la FDSEA du Jura et Edouard Pierre, référent national des JA sur le dossier loup ont expliqué le nouveau plan loup aux éleveurs du département

Une cinquantaine d’éleveurs sont venus participer à la soirée syndicale spéciale loup organisée conjointement par FDSEA et Jeunes Agriculteurs dans le Grandvaux. Si le nombre d’attaques dans le Jura est bien moins conséquent que l’année précédente, le loup est toujours bien présent sur notre territoire avec des attaques principalement sur ovins. Des bovins en divagation et affolés ont également été signalés à de multiples reprises, preuve de la présence récurrente d’un grand prédateur. Nos voisins du Doubs n’ont pas été épargnés avec 19 génisses de prédatées. « La prédation se concentre essentiellement sur 5 ou 6 communes dans le Doubs sur le secteur de Mouthe, et ce malgré des tests de moyens de protection comme des colliers chargés de phéromones ou à ultrasons, des chiens de protection, des clôtures cinq fils… », témoigne Loïc Scalabrino, chargé du dossier loup au JA25 et éleveur prédaté. « Les essais de protection ne sont pas satisfaisants, cela doit conforter le statut de non-protégeabilité des bovins, équins et asins » poursuit l’éleveur installé aux Pontets qui s’est fait tuer une génisse récemment malgré la présence de clôtures et des colliers.

Pas de non-protégeabilité collective

Les deux syndicats majoritaires FDSEA et JA, défendent depuis les premières attaques dans le département, comme au niveau national, le statut de non-protégeabilité des bovins, équins et asins, contrairement à un syndicat minoritaire. « L’objectif pour nous c’est d’empêcher les attaques sur nos animaux en étant pragmatique, et l’on sait très bien qu’il n’existe pas de solution miracle pour protéger nos élevages tel que nous le pratiquons en adéquation avec nos AOP. La reconnaissance de la non-protégeabilité facilite la prise d’arrêtés préfectoraux de tirs de défense et la prise en charge des indemnités alors que pour les ovins, des moyens de protection sont obligatoires » résume Christophe Buchet. Ce statut est confirmé dans le plan loup mais avec des nuances tout de même puisqu’il sera jugé au cas par cas par le préfet du département selon la vulnérabilité des troupeaux. L’enjeu pour la FDSEA et les JA sera de poursuivre la reconnaissance des spécificités jurassiennes auprès des représentants de l’Etat afin de garder la même réactivité qu’aujourd’hui, et éviter la mise en place d’un diagnostic de vulnérabilité obligatoire.

La réactivité comme levier

La pression syndicale mise en place depuis deux ans par FDSEA et JA a permis une très bonne réactivité de l’OFB et de la DDT puisque le préfet leur avait donné deux heures pour intervenir après un signalement d’attaques alors que le plan loup donne 48 heures pour le faire. « N’hésitez pas à nous faire remonter les indices que vous avez sur la présence du loup et surtout nous prévenir en cas d’attaques assez tôt dans la journée pour que l’on puisse s’assurer que l’arrêté de tir sera pris rapidement afin que les louvetiers soient prêts à intervenir dès la nuit suivante » rappelle Philippe Cornu, président des JA39. Mais la discrétion reste de mise pour éviter le « sabotage » d’opération de régulation orchestrée par l’Etat dans un cadre légal. Concernant la demande de fusion des tirs de défense simples et renforcés portée par le syndicalisme majoritaire, l’Etat n’a pas jugé opportun de le faire en gardant la graduation actuelle. Cependant, des avancées ont été obtenues concernant le tir de défense simple, avec la possibilité d’avoir recours à deux tireurs ou encore la suppression de l’obligation d’éclairage du loup avant le tir. La réactivité est également de mise concernant les indemnisations des animaux. « Les délais de paiement sont très hétérogènes d’un département à l’autre » reconnais Edouard Pierre. « Le nouveau plan loup indique que les éleveurs bénéficieront des indemnités maximum 125 jours après la prédation. Les pertes indirectes comme les avortements par exemple seront mieux prises en compte désormais avec un travail en cours réalisé par l’institut de l’élevage, c’est une bonne nouvelle » se réjouit le jeune éleveur.

« Le loup s’adaptera toujours »

« Mais le loup est une bête très intelligente qui s’adaptera toujours aux contraintes. Dans mon département des Hautes-Alpes, le loup attaque désormais la journée car c’est moins risqué pour lui : la nuit, les animaux sont regroupés avec des bergers, des chiens, des filets » poursuit Edouard Pierre, éleveur d’ovins et de caprins et impacté par le loup depuis de nombreuses années. « Sur les dernières génisses attaquées, les loups ont consommé 150 kg de viande et ne sont pas revenus par la suite, son comportement a changé depuis l’année dernière » témoigne Loïc Scalabrino. « La présence de chiens de protection n’est pas une garantie » rappelle Christophe Buchet en prenant l’exemple d’un élevage ovin de Petite Montagne victime de multiples attaques. Le plan loup prévoit une évolution du statut du chien de protection pour protéger juridiquement les éleveurs, « mais la gestion des plaintes du voisinage restera un souci pour les éleveurs et les maires des communes » déplorent plusieurs participants à la réunion. « Le premier levier pour agir c’est le recensement des individus. Nous sommes en France à des années-lumière de ce qui se pratique en Suisse par exemple ou ils connaissent de manière scientifique chaque individu. Le nouveau plan loup reconnaît la nécessité d’avoir une méthode de comptage identique au niveau européen avec une approche scientifique, mais les Suisses ont l’avantage de ne pas être soumis à la convention de Berne et d’être maître chez eux pour réguler l’espèce, » prend pour exemple le spécialiste du dossier chez Jeunes Agriculteurs. « Le conseil de l’agriculture française demande toujours l’évolution sans attendre du statut du loup car la porte a été ouverte par la présidente de la Commission européenne ; mais le plan loup repousse le sujet en se réfugiant derrière des études » rappelle-t-il. Le plan loup évolue donc à petits pas alors que les populations de loups progressent et colonisent de nouveaux territoires chaque jour, de quoi laisser les éleveurs sur leur faim… de loup !

PE BRUNET

FDSEA et JA auditionnés par l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD)

Le 17 novembre dernier, les Présidents de la FDSEA et JA ainsi que les représentants des syndicats minoritaires ont répondu aux questions des deux inspecteurs en charge d’une mission consacrée à la louveterie.

L’augmentation sensible des populations de loups en France et surtout, l’augmentation des dégâts sur les troupeaux ont conduit les Pouvoirs Publics à mobiliser les louvetiers pour assurer des tirs de défense.

L’IGEDD s’intéresse aux différentes missions confiées à la louveterie aussi bien pour le loup que pour toutes les autres espèces (corvidés, blaireaux, fouines, sanglier …), aux moyens qui leurs sont alloués ainsi qu’à leur cadre d’action. 

 Les résultats de cette mission d’audit organisée dans 16 départements, auprès des différents services de l’État, des louvetiers, des représentants des chasseurs, des organisations professionnelles agricoles et des associations de protection de la nature servira à proposer au Gouvernement pour faire évoluer le statut des louvetiers.

Pour mémoire, le corps des louvetiers est certainement le plus ancien des corps d’Etat puisqu’il a été créé sous Charlemagne en l’an 812 ! Aujourd’hui, ils sont nommés par arrêté préfectoral pour une durée de 6 années renouvelables. Ils assurent des missions de service publics mais ne sont ni rémunérés, ni indemnisés. Cet échange a été l’occasion de rappeler la nécessité de faciliter leur tâche en limitant les contraintes techniques et administratives.