Il va manquer de vin dans le Jura

Lancement de la procédure calamités / Suite à l’épisode de gel printanier sur le vignoble jurassien, une commission d’enquête organisée par la DDT s’est rendue sur 7 exploitations pour faire un premier état des lieux des pertes. Les vendanges fin septembre rendront leur verdict final, mais il manquera assurément de vin sur ce millésime ce qui impactera les ventes des prochaines années.

Il va manquer de vin dans le Jura
Gel, grêle, inondation, glissement de terrain, mildiou… L’année 2021 est à marquer d’une pierre noire pour le vignoble jurassien.

Si les éleveurs commencent à connaître la procédure des calamités, le dispositif ouvert exceptionnellement à la viticulture cette année, est nouveau pour les viticulteurs. Par conséquent, ces derniers restent prudents sur les retours financiers de la démarche calamités. Cette tournée d’enquête de terrain, avec l’appui de professionnels agricoles habitués à la procédure (FDSEA…), aura permis à la DDT de la vulgariser auprès de ce public sans s’avancer sur l’enveloppe financière pouvant être débloquée. Ces rencontres auront surtout permis de récolter des chiffres précieux pour le montage du dossier calamité dont l’aboutissement est prévu pour la fin d’année ainsi que la prise en charge des cotisations MSA dont les formulaires individuels devront être retourner à la MSA pour le 8 octobre.

Une année à oublier

Avec une troisième année de gel en cinq ans, le dérèglement climatique semble évident aux yeux de tous. Cependant, la situation de 2021 reste singulière avec des chaleurs excessives en février qui ont avancées la pousse de la vigne précocement, puis plusieurs nuits de gel jumelées à la neige, provoquant la destruction importante de bourgeons. Comme en témoigne Patrick Clavelin, vigneron au Vernois, certaines vignes sur les coteaux n’avaient jamais gelées mais cette année c’est celle qui ont le plus été impactées. Pour Etienne Pignier, associé au cellier des chartreux, il faut remonter à 1977 pour voir une année aussi catastrophique. Il faut dire que les éléments se déchaînent cette année avec, après le covid et le gel, la grêle puis les fortes précipitations et son lot de maladies. Pas un secteur du vignoble n’aura été épargné et tous manqueront de vin en cave.

Côté rendement, l’impact du gel varie un peu selon les cépages et mais également selon la productivité habituelle des vignes car les rendements devraient être similaires en conventionnel et en bio. Les pertes liées au gel sont en premier lieu sur les chardonnays, cépage plus précoce, mais ont touché tous les cépages jurassiens. Le savagnin, plus tardif se voit relativement moins impacté par le gel mais subit de plein fouet les pluies de ces dernières semaines et le mildiou s’invite à la fête ! Sur les rouges, les pinots noirs ont mieux résisté que les poulsards et les trousseaux lourdement impactés eux aussi. Valentin Morel, installé depuis 7 ans à Poligny, se désole d’avoir parfois du mal à trouver une grappe par pied de poulsard. Globalement, les pertes dues au gel sont estimées entre 65 et 85% avec un impact un peu plus marqué dans le sud du vignoble par rapport au nord car naturellement plus en avance. Peu de vignerons s’avancent sur un rendement prévisionnel au-delà de 15 hectolitres par hectare avec en général une estimation entre 7 et 10 hectolitres par hectares. Certains se demandent même s’il est raisonnable de payer des vendangeurs sur des vignes à très faible production mais se voient obligés de continuer à entretenir la vigne pour l’an prochain.

Les consommateurs sont demandeurs

Pourtant, le vignoble jurassien a le vent en poupe côté commercialisation. Les ventes sont bien reparties après le premier confinement et le jura se vend très bien à l’export affirme Stéphane Tissot. La notoriété du jura a dépassé les frontières nationales, plus particulièrement sur les vins bio. Cependant, la pénurie sur du long terme risque d’avoir un impact sur les marchés. Chaque vigneron adapte donc sa stratégie pour satisfaire ses clients : limitation du nombre de bouteilles par clients, sélection des vins à la carte pour ce millésime, voir achat de raisin. Le crémant du Jura qui reste un produit d’appel manquera un peu partout cette année et d’une manière générale il manquera de vin en cave lorsque le millésime sera en vente d’ici 2 ou 3 ans. Toute la profession table désormais sur une nature plus généreuse en 2022 pour assurer une production minimum car sans vins à vendre, aucune exploitation viticole, quels que soient ses marchés, ne pourra supporter longtemps des charges en constante augmentation sans trésorerie.

PE BRUNET