Environnement
Nécessaire prise de conscience

La médiatisation de l’affaire de la cigogne au bec coincé dans une canette met en lumière un problème qui concerne nombre d’agriculteurs : l’abandon de déchets de toutes sortes dans la nature, notamment le long des routes.

Nécessaire prise de conscience

Paul Bubba est encore surpris par l’ampleur de l’écho médiatique déclenché par sa vidéo sur le réseau social tik-tok, montrant une cigogne au bec emprisonné par une canette de coca-cola, le 12 juin dernier. Lors d’un chantier de fauche dans le secteur de Charmoille (70), il avait filmé l’échassier, et les images ont vite fait le tour des réseaux sociaux, avant que des figures médiatiques ne s’emparent du sujet. « J’ai été contacté et interviewé par BFM-TV, TF1, France 3… ça a pris des proportions nationales. J’espère que ça va faire un peu réagir les défenseurs de l’environnement face au problème des ordures balancées dans la nature ! Quand TF1 m’a demandé où ils pouvaient filmer un endroit avec des poubelles je n’ai pas eu longtemps à réfléchir : le long de la route entre Charmoille et Bougnon ! » L’ouvrier agricole se dit soulagé par le sauvetage de la cigogne, retrouvée en Saône-et-Loire par une classe en sortie et finalement secourue par les pompiers. Placée en convalescence au centre Athénas dans le Jura, spécialisé dans le sauvetage de la faune sauvage, l'oiseau à bout de force est décédé deux jours plus tard.

Au-delà du cas médiatisé de la cigogne, demeure entière la question de l’abandon des déchets en pleine nature, le long des routes et à l’orée des bois, et de leur impact sur la faune sauvage et domestique. « C’est déjà arrivé à des collègues d’avoir une vache morte à cause de morceaux de canettes qui passent dans le foin, déplore-t-il. Et l’an dernier on a perdu une vache qui avait mangé un sac plastique. »

Une forme d’incivilité qui ne diminue pas

Le constat dressé par Paul Bubba est d’ailleurs partagé par de nombreux agriculteurs, qui sont témoins au quotidien de pratiques irrespectueuses de la loi et de l’environnement avec les ordures. « Avant de m’installer comme agriculteur, j’ai travaillé un temps à la fauche des bords de route. A partir du moment où les syndicats d’enlèvements des ordures ménagères ont mis en place les systèmes de pesée et de paiement au nombre de levée, on a vu se multiplier les sacs poubelles abandonnés ! », regrette ainsi Grégoire Aubry, jeune agriculteur en Gaec à Lantenot. « Chaque année au moment des chantiers d’ensilage, on sort des dizaines de canettes en aluminium, le plus souvent de bières fortes, dont les conducteurs se débarrassent en les jetant par la fenêtre de leur voiture. » Mouchoirs, prospectus, cannettes de soda, sacs plastique, paquets de cigarettes vides et mégots, jonchent les bords de tous les axes routiers. A croire que pour certains, jeter ses déchets dans la nature est devenu un acte mécanique, de l’ordre du réflexe. Sans parler d’autres incivilités, comme l’abandon en bout de champs de divers détritus par les habitants du lotissement qui jouxte ses parcelles. « Même si ce sont des déchets verts, ça ne se fait pas, nos champs et la nature ne sont pas une poubelle ! » martèle-t-il, avec peu d’espoir de faire évoluer les consciences.

Le secteur agricole montre l’exemple

« Malgré les journées citoyennes pour nettoyer la nature, les programmes scolaires, j’ai l’impression que c’est de pire en pire. » Une situation qui a de quoi irriter le monde agricole, souvent pointé du doigt pour diverses ‘’nuisances’’ (odeurs, boue, poussière…) tandis qu’il est objectivement très vertueux dans le domaine du tri et du traitement des déchets. « Dans nos fermes, tous les plastiques usagés sont séparés, filets, ficelles, bâches, bidons vides, pour être collectés ensuite. » Des propos étayés par les statistiques nationales d’Adivalor : en 2022, l’organisme de collecte spécialisé a pris en charge 93 000 tonnes d'emballages vides, de films agricoles et de ficelles et filets, soit 4 000 tonnes de plus qu'en 2021. Cela représente un taux de collecte de 78 %, selon l'entreprise. « Ces déchets sont recyclés à près de 90 % (hors films de paillage). » Pour faire progresser la collecte, Adivalor compte élargir son périmètre d'action avec trois nouvelles collectes en 2023 : une visant les emballages de produits de nutrition animale, une pour les pots horticoles plastiques usagés et une pour les emballages vides de semences de betteraves.

Alexandre Coronel